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L’étranger.

Les loups ! au mois de juin, en plein soleil !

Jeannot.

Il n’y a pas de soleil qui tienne ! Les loups n’ont pas peur du soleil. On en a vu deux à Kermadio il n’y a pas déjà si longtemps.

L’étranger.

Tu as pris des chiens pour des loups !

Jeannot.

C’est pas moi seul qui les ai vus ! C’est bien d’autres ! Un loup énorme, noir, à tête grise, qui n’est pas farouche, et qui a regardé déjeuner le garde, M. Daniel, à vingt pas de sa maison ; et puis une grosse louve grise qui vous regarde en face, qui vous barre le passage, et qui vous a la mine d’une bête affamée, toute prête à vous dévorer.

L’étranger.

C’est la peur qui t’a fait voir tout cela. Toi, Jean, as-tu vu ces terribles bêtes ?

Jean.

Pas moi, monsieur, mais Jeannot dit vrai ; bien des personnes les ont vues. Un cousin de M. le maire, qui chassait, a vu le loup et a couru après. L’institutrice de Mademoiselle a vu la louve, qui l’a suivie longtemps. Et puis Daniel, le garde de Monsieur, a rencontré le loup, qui a eu peur et qui a traversé à la nage le bras de mer de Kermadio. »

Après quelques instants de silence et de triomphe pour Jeannot, l’étranger se mit à questionner Jean sur sa mère. L’intérêt qu’il semblait prendre à la