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Au milieu de cette prospérité il a eu deux peines assez vives ; d’abord il n’a pas d’enfants. Ensuite, Aimée, mal conseillée par sa mère, menait une vie trop dissipée, faisait trop de dépenses de toilette, de vanité ; elle se révoltait contre Simon, le traitait de sévère, d’avare, d’exagéré. Enfin, il n’y avait pas accord parfait dans ce ménage. M. Abel, qu’il voyait quelquefois à Paris, lui conseillait la douceur, la patience et la fermeté.

« Ne cède jamais pour ce qui est mal ou qui mène au mal, mon ami ; pour le reste, laisse faire le plus que tu pourras. Avec les années, Aimée deviendra raisonnable ; elle comprendra alors et approuvera ta conduite, elle t’en aimera et t’en respectera davantage. »

Simon attendait, soupirait, espérait. Enfin, le bon Dieu lui vint en aide. Aimée eut la petite vérole, qui la défigura ; le monde et la toilette ne lui offrirent plus aucun attrait ; son âme s’embellit par suite du changement de son visage ; elle devint ce que Simon désirait qu’elle fût ; il l’aima laide bien plus qu’il ne l’avait aimée jolie. Aimée, de son côté, comprit alors les qualités et les vertus de son mari ; et quand ils allaient passer quelques jours à la ferme de Sainte-Anne, elle s’entendait parfaitement avec tous les membres de l’excellente famille qui l’habitait. Simon serait donc parfaitement heureux s’il avait des enfants. Mais, hélas ! il n’en a pas encore et il n’en aura sans doute jamais, car la jolie Aimée a… Calculez vous-même son âge. Je préfère ne pas vous le dire.