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« Messieurs, je vous en supplie ! Permettez que je me retire. Je vous en prie », ajouta-t-il avec dignité, mais avec grâce.

La foule, toujours chapeau bas, obéit à cette injonction ; on le laissa s’éloigner, on ne le suivit que du regard ; seulement, quand il fut à la porte, des vivats et des applaudissements éclatèrent ; M. Abel précipita le pas ; longtemps encore, lui et ses compagnons purent entendre éclater l’enthousiasme pour le grand artiste, l’homme de bien et le caractère honorable si universellement aimé, respecté et admiré.

Quand ils furent en voiture :

M. Abel.

Jolie scène que tu m’as amenée avec ton enthousiasme et tes exclamations !

Jean.

Pardonnez-moi, monsieur. J’étais hors de moi ! Je ne savais ce que je disais. Pourquoi m’avez-vous arraché de là, monsieur ? J’y serais resté deux heures !

M. Abel.

Et c’est bien pour cela, parbleu ! que je t’ai emmené. Tu as entendu leurs cris. Cinq minutes de plus, ils me portaient en triomphe comme les empereurs romains. C’eût été joli ! Tous les journaux en auraient parlé : je n’aurais plus su où me montrer. »

Jean était honteux, Kersac riait. M. Abel rit avec lui, donna une petite tape sur la joue de Jean, et la paix fut ainsi conclue.