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si vive de respect, d’attendrissement, que, sans penser à ce qui faisait, il se laissa tomber à genoux près du lit de ce pauvre petit enfant. Roger, surpris et touché, voulut prendre de sa petite main décharnée celle de Kersac, mais il n’en eut pas la force ; Kersac, qui avait senti le mouvement, prit bien doucement cette petite main dans les siennes, la baisa et la plaça ensuite sur sa tête, comme pour avoir une bénédiction.

Puis, se tournant vers Mme de Grignan qu’il entendait pleurer :

« Pauvre dame ! dit-il. Pauvre mère !

— Mais heureuse de le voir souffrir si saintement », répondit Mme de Grignan.

Kersac se releva.

Roger.

Monsieur Kersac, Jean vous aime beaucoup ; je vois qu’il a raison ; vous aimez le bon Dieu et vous le priez ; je prierai aussi pour vous. »

Et, voyant une larme rouler le long de la joue de Kersac :

« Il ne faut pas pleurer pour moi, monsieur Kersac. Je souffre ce que le bon Dieu m’envoie, et je sais que bientôt le bon Dieu me prendra avec lui ; je serai alors si heureux, si heureux que je ne penserai plus à mes souffrances. »

Roger se reposa un instant ; Kersac voulut parler, mais il ne put articuler une parole ; il se borna à regarder la mère et l’enfant avec une respectueuse émotion. Enfin, oubliant la beauté des meubles, il s’assit dans un fauteuil habituellement occupé par