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tous comme vous le faites, cher monsieur Roger ?

Roger.

Quand je serai près du bon Dieu et de la Sainte Vierge, je prierai mieux ; ici je prie mal parce que je souffre trop. Je serai bien heureux ce jour-là ! »

Roger ferma les yeux, joignit ses petites mains comme s’il priait. Ensuite il dit à Jean :

« Mon bon Jean, amène-moi M. Kersac, je t’en prie. C’est peut-être mal d’être si curieux, mais j’ai bien envie de le voir pendant que je suis un peu mieux. »

Jean sortit et alla demander à Kersac de monter. Pour arriver chez Roger, il fallait passer par le salon ; Kersac s’y arrêta, frappé d’étonnement ; la tenture de damas rouge, les fauteuils dorés, les divers meubles de fantaisie qui ornaient le salon, le lustre en cristal et en bronze, le beau tapis d’Aubusson, tout cela était pour lui les contes des Mille et Une Nuits, des richesses sans pareilles. Jean, voyant son admiration, s’arrêta quelques minutes ; puis, ouvrant la porte de Roger, il fit entrer Kersac. Ce dernier fut vivement impressionné par l’aspect de cette chambre ; le demi-jour, ménagé à dessein, pour ne pas fatiguer les yeux du petit malade, le silence qui y régnait, l’attitude accablée mais résignée de Mme de Grignan, assise près du lit de son fils, l’enfant lui-même, d’une maigreur et d’une pâleur effrayantes, les mains jointes, le visage légèrement animé par un doux sourire, tout cet ensemble produisit sur Kersac une impression