Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelqu’un de bon et de soigneux que je puisse aimer ; quelqu’un de rangé, d’économe, qui me retienne quand je veux faire de la dépense. Quelqu’un de propre, d’avenant, qui ne repousse pas les gens qui viennent à la ferme faire des affaires avec moi. Je trouve tout cela dans ta mère ; elle paraît plus jeune que son âge, mais cela ne fait rien ; cela vaut mieux que si on pouvait la prendre pour ma mère. Cela te déplaît-il, mon ami ?

Jean.

Comment cela me déplairait-il, monsieur ? C’est au contraire un bonheur, un grand et très grand bonheur. Pauvre maman, qui a été si malheureuse ! Et le bon Dieu lui envoie la chance de devenir la femme d’un brave, excellent homme comme vous, monsieur ! Mon cher monsieur Kersac ! vous serez donc mon père ! Ah ! ah ! ah ! c’est drôle tout de même !

Kersac.

Tu n’y pensais pas, ni moi non plus, quand je te menais en carriole à Malansac ? Eh bien, tu ne croirais pas une chose ? c’est que je m’étais si bien attaché à toi dans cette journée de carriole, que j’ai été voir ta mère pour toi, que je l’ai soignée pour toi, et que l’idée d’en faire ma femme m’est venue pour toi, pour te ravoir un jour et pour te faire un sort. Et puis, il faut dire aussi que j’ai reçu, il y a environ trois mois, une lettre de quelqu’un que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, qui a signé : Un ami, et qui me dit :

« Si vous voulez être heureux, monsieur Kersac,