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vous lui avez envoyé, comme venant de Simon et de moi, depuis plus de deux ans, et par petites sommes, plus de cinq cents francs… Tout se découvre, vous voyez bien, monsieur, tout, excepté les sentiments qui remplissent le cœur de ceux qu’on a obligés et qui ne savent comment les exprimer. »

M. Abel sourit et tendit la main à Jean, qui la couvrit de baisers, et qui reprit toute sa gaieté et son entrain quand M. Abel l’eut assuré qu’il comprenait ses sentiments.

« Je t’assure, mon enfant, que je vois dans ton cœur comme dans le mien ; et je suis très content de ce que j’y vois.

Jean.

Alors, monsieur, je n’ai plus besoin de parler pour que vous deviniez.

M. Abel.

Non, non, tes yeux parlent assez clair ; un regard de toi, et je devine tout… Mais j’ai à te parler, Jean ; voilà Simon qui va bientôt se marier : il n’est plus seul déjà, puisqu’il va presque tous les soirs chez Mlle Aimée. Je crois bien que le père va faire le mariage au printemps prochain, dans quelques mois d’ici. Une fois Simon marié et établi chez son beau-père, qu’il aidera dans son commerce, je ne veux pas que tu restes ici. Tes camarades ne sont pas bons ; ils chercheraient à te mener à mal, et tu n’aurais peut-être pas la force de résister ; tu perdrais tes habitudes chrétiennes, tes bons sentiments : ce qui me causerait un vif chagrin.