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n’as pas ton air gai et riant, aujourd’hui. T’arriverait-il quelque contrariété ?

Jean.

Au contraire, monsieur ; et c’est ce qui me gêne.

M. Abel.

Qu’est-ce que tu dis donc ? Depuis quand le bonheur donne-t-il de la gêne ?

Jean.

Ce n’est pas précisément le bonheur qui me gêne, monsieur, c’est d’être obligé de le garder pour moi.

M Abel.

Et pourquoi le gardes-tu, nigaud ? Pourquoi ne me le dis-tu pas ?

Jean.

Vous permettez, monsieur ?

M. Abel, riant.

Si je le permets ? Tu sais que nous sommes une paire d’amis et que nous nous disons tous nos secrets.

Jean.

Pas vous, monsieur, pas vous ; et la preuve, c’est que mon secret vous regarde. »

M. Abel le regarda avec surprise.

Jean.

Oui, monsieur, c’est de vous qu’il vient, et vous me l’avez caché ; et, ce qui me gêne, c’est de ne pouvoir vous dire tout ce que j’éprouve pour vous d’affection et de reconnaissance depuis que je sais comme vous avez soigné pauvre maman. Oui, oui, monsieur, vous n’avez pas besoin de faire l’étonné ;