Page:Ségur - Jean qui grogne et Jean qui rit.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mes intérêts, qui sache mener une ferme. J’avais bien pensé à vous, mais je me disais : « Elle a un grand garçon de vingt-quatre ans ; elle a pour le moins quarante et un à quarante-deux ans. C’est trop âgé pour commencer. » Et voilà que vous en avez trente-trois ! Mais c’est superbe ! Tiens ! c’est le bon Dieu qui exauce votre prière ; vous lui demandez de me donner du bonheur ! Suis-je donc heureux ! Je ne vais plus avoir à me méfier, à surveiller, à gronder. Tout ira comme sur des roulettes ; quand je serai malade vous me soignerez ; quand je serai absent, vous prendrez la direction de tout.

— Mais, monsieur, dit Hélène en riant, vous arrangez tout ça sans savoir si je puis faire l’affaire, si je connais le travail d’une ferme, si je sais traire une vache, élever des volailles. Une femme de ferme doit savoir tout cela à fond. »

Kersac s’arrêta consterné.

« C’est vrai, pourtant !… Et vous ne savez pas ?… Dites vite, ajouta-t-il avec vivacité, voyant qu’elle hésitait.

Hélène.

Si fait, monsieur, je sais ; je suis fille de fermier, j’ai travaillé à la ferme depuis que je me souviens de moi-même ; je n’ai quitté qu’à la mort de mon père et de mon mari.

Kersac.

Alors pourquoi diable m’effrayez-vous ? Je ne vous demande pas si vous voulez, puisque vous pouvez. Du moment qu’il s’agit de me rendre ser-