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envieux, ingrat, paresseux ; il n’aime personne. Pas comme notre petit Jean ! Celui-là est tout l’opposé. Mais, ajouta-t-il en se levant, j’oublie que j’ai quelques provisions dans ma carriole ; si nous dînions ! J’ai l’estomac creux, il me semble que j’avalerais un pain de six livres. »

Kersac et Hélène sortirent et allèrent sous le hangar, où étaient le cheval et la carriole. Kersac donna à boire au cheval, qui finissait son avoine, lui arrangea sa litière ; Hélène lui apporta une botte de foin ; après quoi Kersac se mit à décharger la carriole de ses provisions. Hélène reçut un bon gigot tout cuit, trois livres de beurre, un kilo de sucre, un kilo de café tout brûlé et moulu, un kilo de chandelle, un gros fromage, une bouteille d’huile à manger et une autre de vinaigre, un paquet d’épiceries de toutes sortes ; et enfin il retira un paquet qu’il semblait vouloir cacher.

« Ceci, dit-il, ce n’est pas pour vous, ma bonne dame Hélène, c’est pour moi.

Hélène.

Ah ! qu’est-ce que c’est, sans indiscrétion ?

Kersac.

Voilà ! C’est qu’il faut encore m’accuser d’un vilain défaut, et ce n’est pas agréable. Et pourtant il faut que je m’exécute, car tout de même quand vous verriez la chose, vous devineriez bien mon défaut. Tel que vous me voyez, Hélène, je suis un peu coquet ; j’aime à être bien tenu, bien peigné, bien attaché. Et chez vous il n’y a pas de glace. Cela m’ennuie, parce qu’en arrivant, voyez-vous,