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de larmes, et tendit la main à Simon, qui la serra dans les siennes, et, cédant à un attrait irrésistible, la baisa en s’inclinant profondément.

M. Abel.

Allons, je suis découvert ! Pas moyen de résister à la pénétration de mon bon petit Jean. Cher enfant, et toi, mon bon Simon, vous m’avez donné plus de bonheur que je ne pourrai jamais vous en rendre, en me découvrant les trésors de deux belles âmes bien chrétiennes, bien honnêtes. Depuis plus d’un an que je vous connais, j’ai passé quelques heures bien heureuses, dont je conserverai le souvenir. J’ai toujours vécu seul ; orphelin dès mon enfance, élevé ou plutôt tyrannisé par une tante méchante, sans foi et sans cœur ; sachant par expérience combien les cœurs dévoués sont rares, ayant fait moi-même ma fortune avec le talent de peintre que le bon Dieu m’a donné, j’ai éprouvé à ma première rencontre avec toi, Jean, une impression qui ne s’est pas effacée ; tu étais bon, reconnaissant, affectionné, je désirais te revoir ; j’avais, d’ailleurs, à expier la frayeur et la peine que je t’avais causées en te dépouillant. Ta joie en me revoyant m’a touché, m’a attiré ; Simon, que j’ai reconnu de suite à sa ressemblance avec toi, m’a paru digne d’être ton frère ; je me suis de plus en plus attaché à vous, j’ai voulu vous faire du bien sans me découvrir ; votre reconnaissance à propos des habits neufs m’a extrêmement touché et a augmenté mon amitié pour vous. Je n’ai pas de parents ; je n’ai ni femme ni