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eût coupé le lapin et eût donné à chacun sa part.

Pendant un quart d’heure on n’entendit d’autre bruit dans la salle du festin que celui des mâchoires qui broyaient leur nourriture, des couteaux qui glissaient sur les débris d’assiette, du cidre qui passait du broc dans le verre unique servant à tour de rôle à la mère et aux enfants.

Après le lapin vint la galette ; mais les appétits devenaient plus modérés ; la conversation recommença, lente d’abord, puis animée ensuite.

« Fameux lapin, dit Jean, avalant la dernière bouchée.

— Quel dommage qu’il n’en reste plus, dit Jeannot en soupirant.

— Et avec quel plaisir vous mangerez demain ce qui en reste ! dit Hélène en souriant.

Jean.

Ce qui en reste ? Comment, mère, il en reste ?

Hélène.

Je crois bien qu’il en reste, et un bon morceau ; les deux cuisses, une pour chacun de vous.

Jean.

Mais… comment se fait-il ?… Vous n’en avez donc pas mangé, maman ?

Hélène.

Si fait, si fait, mon ami ! Pas si bête que de ne pas goûter un pareil morceau. »

Elle disait vrai, elle en avait réellement goûté, car elle s’était servi la tête et les pattes. Jean voulut encore lui faire expliquer quelle était la