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Jean. Il est courageux, lui. Regarde sa bonne figure réjouie… Tiens ! tu as les yeux rouges, petit Jean. Qu’est-ce que tu as donc ? Une bête entrée dans l’œil ? »

Jean regarda sa mère ; ses yeux étaient remplis de larmes ; il voulut sourire et parler, mais le sourire était une grimace, et la voix ne pouvait sortir du gosier. La mère se pencha vers lui, l’embrassa, se détourna et sortit pour aller chercher du bois, dit-elle. Quand elle rentra, sa bouche souriait, mais ses yeux avaient pleuré ; ils s’arrêtèrent un instant seulement, avec douleur et inquiétude, sur le visage de son enfant.

Le petit Jean l’examinait aussi avec tristesse ; leur regard se rencontra ; tous deux comprirent la peine qu’ils ressentaient, l’effort qu’ils faisaient pour la dissimuler, et la nécessité de se donner mutuellement du courage.

« Le bon Dieu est bon, maman ; il nous protégera ! dit Jean avec émotion. Et quel bonheur que vous m’ayez appris à écrire ! Je vous écrirai toutes les fois que j’aurai de quoi affranchir une lettre !

Hélène.

Et moi, mon petit Jean, M. le curé m’a promis un timbre-poste tous les mois… En attendant, voici notre lapin cuit à point, qui ne demande qu’à être mangé. »

Les enfants ne se le firent pas répéter ; ils s’assirent sur des escabeaux ; chacun prit un débris de plat ou de terrine, ouvrit son couteau et attendit, en passant sa langue sur ses lèvres, qu’Hélène