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Jeannot.

Parce que j’ai peur de ce que je ne connais pas, moi ; j’ai peur de ce grand Paris.

Jean.

Ah bien ! si tu as peur de tout, il n’y a plus de plaisir ? Puisque tu dis toi-même que tu étais mal chez ma tante, et que tu es content de t’en aller ?

Jeannot.

C’est égal, j’aime mieux être mal au pays et savoir comment et pourquoi je suis mal, que de courir les grandes routes et ne pas savoir où je vais, et avec qui et comment je dois souffrir.

Jean.

Que tu es nigaud, va ! Pourquoi penses-tu avoir à souffrir ?

Jeannot.

Parce que, quoi qu’on fasse, où qu’on aille, avec qui qu’on vive, on souffre toujours ! Je le sais bien, moi.

Jean, riant.

Alors tu es plus savant que moi ; j’ai du bon dans ma vie, moi ; je suis plus souvent heureux que malheureux, content que mécontent, et je me sens du courage pour la route et pour Paris.

Jeannot.

Je crois bien ! tu as une mère, toi ! Je n’ai qu’une tante !

Jean.

Raison de plus pour que ce soit moi qui pleure en quittant maman et que ce soit toi qui ries, puisque ta tante ne te tient pas au cœur ; mais tu