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M. Abel, avec hésitation.

Oui, madame… Mais je ne chante jamais seul… Caïn m’accompagne toujours… et… je dois vous prévenir que nous avons des voix si puissantes… que… ce ne serait peut-être pas prudent de tenir les fenêtres fermées… Les vitres pourraient se briser…

— Mais qu’à cela ne tienne, monsieur. Pontois, ouvre les fenêtres.

— Comment ? Pourquoi ? »

L’explication que donna Mme Pontois courut tout le salon ; la curiosité était vivement excitée. M. Abel s’approcha du piano ; M. Caïn s’assit pour accompagner. Après quelques minutes de préparatifs, de gammes préludantes, de petites notes brillantes, un accord formidable se fit entendre ; un cri puissant y répondit, et alors commença un duo comme on n’en avait jamais entendu. Les deux chanteurs hurlèrent d’un commun accord, de toute la force de leurs poumons et en s’accompagnant d’un tonnerre d’accords :

« Au voleur ! Au voleur ! À la garde ! À l’assassin ! On m’égorge ! Au secours ! Oh ! là ! là ! Oh ! là ! là ! Tu périras ! Tu périras ! Gredin ! Assassin ! À la garde ! À la garde ! Oh ! là ! Oh ! là ! là ! »

Des cris du dehors répondirent aux hurlements du dedans ; M. et Mme Pontois, éperdus, criaient aux chanteurs d’arrêter ; les cris du dehors devenaient menaçants ; M. Pontois courut fermer les fenêtres ; des coups frappés à la porte d’entrée, des ordres impérieux d’ouvrir, les cris des invités qui