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L’Auvergnat.

Vlan ! ch’est pour toi, cha. »

Et l’Auvergnat coiffa Jeannot de la marmite pleine ; le raisiné coula sur la figure, le dos, les épaules de Jeannot. Avant qu’il ait eu le temps de crier, d’enlever sa coiffure, M. Abel avait disparu ; en deux secondes il s’était débarrassé de son mouchoir, de sa blouse, de sa casquette, il avait mis son chapeau sur sa tête ; il avait roulé sa blouse et le reste, et avait jeté le tout dans une allée au tournant de la rue. Il fit quelques pas encore, retourna du côté de l’épicier, s’arrêta devant la boutique et demanda la cause du tumulte et du rassemblement qu’il y voyait.

Un badaud.

C’est un mauvais garnement qui a coiffé un des garçons d’une terrine de raisiné, monsieur ; le pauvre garçon est dans un état terrible ; tout poissé et aveuglé, les cheveux collés, les habits abîmés !

— Oh ! oh ! c’est grave, ça ! » dit M. Abel en entrant.

Les garçons, le maître, la dame du comptoir entouraient le malheureux Jeannot, le débarbouillaient, l’arrosaient, l’inondaient, l’épongeaient. Les garçons riaient sous cape, la dame du comptoir leur faisait de gros yeux ; M. Pontois n’oubliait pas ses intérêts et gardait l’entrée, afin que quelque filou ne pût se glisser dans l’épicerie.

M. Abel entra en conversation avec la dame du comptoir, qui lui expliqua ce qui s’était passé.