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de ton absence. Et toi, ma Christine, tu es malheureuse, je le sens, j’en suis sûr ; toutes tes lettres en font foi, malgré tes efforts pour paraître calme et gaie. François me sollicite aujourd’hui de te demander si tu veux mettre un terme à notre séparation ? Car de toi, de ta volonté, ma Christine, dépend tout notre bonheur à venir. Tu t’étonnes que j’aie l’air de douter de cette volonté : mais laisse-moi te dire à quel prix, par quel sacrifice peut s’opérer notre réunion. J’ose à peine te l’écrire, ma chère enfant, si dévouée, si aimante !… Veux-tu devenir ma vraie fille en devenant la femme de mon François ? Veux-tu consacrer ta belle jeunesse, ta vie, au bonheur d’un pauvre infirme, vivre avec lui loin du monde et de ses plaisirs, t’exposer aux cruelles plaisanteries que provoque son infirmité ? La vie sera pour toi sérieuse et monotone, elle se continuera entre moi et ton frère ; notre tendresse en sera le seul embellissement, la seule distraction. J’attends ta réponse, ma Christine, avec une anxiété que tu comprendras facilement, puisque notre bonheur en dépend. Ce qui me donne du courage et de l’espoir, c’est ce que tu nous dis aujourd’hui de la demande d’Adolphe, de ton refus et de ses motifs, qui nous ont remplis d’espérance, etc., etc. »

Christine eut de la peine à lire cette lettre jusqu’au bout, tant ses yeux obscurcis par les larmes déchiffraient péniblement l’écriture si connue et si chère de son père. Quand elle l’eut finie, son premier mouvement fut de se jeter au pied de son