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françois, surpris.

Tiens ! comment as-tu deviné ?

christine.

C’est que cela m’a fait la même chose quand il m’a demandé de l’aimer comme je t’aime : je le trouvais bête, je me sentais fâchée contre lui, et depuis ce temps je ne peux pas l’aimer pour de bon ; mais papa dit que ça ne fait rien, qu’on peut tout de même être bon et aimable pour lui, sans l’aimer.

françois.

Je crains que ce ne soit mal de ma part, papa ; c’est vrai que je ne l’aime pas. Et pourtant il me fait pitié, je le plains ; mais je n’aime pas à le voir.

m. de nancé.

Et pourtant tu y vas de plus en plus, mon ami.

françois.

Parce que je l’aime de moins en moins ; et c’est pour me punir de ce mauvais sentiment, que je fais plus pour lui que si je l’aimais.

m. de nancé.

Tu ne peux faire ni plus ni mieux, mon ami, car tu agis par charité ; tu fais donc plus et mieux que si tu agissais par amitié… Sois bien tranquille, et, quand il sera ici, continue à lui laisser croire que tu es son ami. Le bon Dieu te récompensera de ce grand acte de charité.

christine.

Mon père, vous avez raison de dire grand acte de charité, parce que c’est bien difficile d’être avec les gens qu’on n’aime pas, comme si on les aimait. »