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tête et partit, maudissant la signora et ses charades. Il était attendu ; on le reçut avec enthousiasme ; sans lui donner le temps de se reposer, Mme des Ormes l’entraîna dans le salon où se faisaient les répétitions ; tous les acteurs y étaient ; ils accueillirent Paolo avec des éclats de rire que ne justifiaient que trop son air effaré, étrange, son attitude embarrassée et son apparence misérable ; car pour ménager son habit de parade, il avait mis sa redingote râpée et tachée, des souliers ferrés, le reste à l’avenant.

Mme des Ormes le traînant par la main, le présentant à tout le monde :

« Voici mon Assuérus, disait-elle ; commençons la répétition. »

On plaça Paolo sur une estrade ; l’un lui leva le bras, l’autre la jambe ; on lui ouvrit la bouche, on lui tira le nez, on hérissa ses cheveux ; tous riaient à se tordre, excepté Paolo, qui, impatienté de ces plaisanteries et de ces rires, bondit de dessus l’estrade au milieu du salon, et cria avec colère :

« Ze ne veux pas qu’on me tiraille comme un veau qu’on égorge. Ze veux qu’on me respecte et qu’on me donne à manzer. Si la Signora me fait des farces comme ça, moi, Paolo, ze prends la dilizenze et m’en retourne à Arzentan. »

Toute la société rit de plus belle, mais se retira devant les yeux enflammés et les gestes furieux de Paolo. Mme des Ormes lui expliqua que c’était une répétition, qu’on allait lui servir un bon repas ;