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rière. Le chemineau s’élança entre lui et Mme d’Orvillet.

« N’avancez pas ! cria-t-il. Laissez-moi faire. »

L’ours resta un instant indécis ; prenant son parti, pressé par la faim, il fit un pas vers le chemineau, qui lui assena un coup de massue sur la tête ; l’ours chancela un instant, reprit son aplomb, ouvrit son énorme gueule ; mais, avant qu’il eût allongé les pattes de devant pour saisir le chemineau, celui-ci lui enfonça dans la gueule ouverte un petit pieu en bois très dur, pointu par les deux bouts.

L’ours voulut refermer la gueule pour dévorer le bras du chemineau, mais les pointes du pieu s’enfoncèrent dans la langue et dans le palais. Plus l’ours faisait d’efforts pour refermer la gueule, plus les pointes s’enfonçaient dans les chairs.

Sans perdre un instant, profitant du mouvement des pattes de devant que l’ours avait ramenées à la gueule, pour se débarrasser du pieu, le chemineau lui lança un nœud coulant qui, étranglant à moitié l’animal, lui fit perdre la respiration, lui ôta ses forces, et il roula par terre.

Le chemineau ne lâcha pas la corde ; les mouvements de l’ours serraient de plus en plus le nœud coulant ; le chemineau, pendant ce temps, ne cessait de l’assommer avec son gourdin, se gardant bien de frapper sur la tête, pour l’avoir vivant et gagner ainsi les cents francs promis.

Mme d’Orvillet et les enfants, terrifiés, regardaient avec anxiété le combat de l’ours contre le