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faire ? Pas une minute pour réfléchir ! Pas le temps de me sauver ; l’ours avançait toujours et me touchait presque : heureusement que j’aperçois sur une table près de moi un couteau de cuisine…

Hector.

Dans le corridor ?

Léonce.

Oui, mon cher, dans le corridor. Je saisis le couteau, et, au moment où le nez de l’animal touche mon nez, je lui enfonce le couteau dans la bouche, de manière à ce que la pointe touche le palais et le manche appuie sur la langue ; l’ours, en voulant fermer la bouche pour dévorer mon bras, s’enfonce le couteau dans le palais ; furieux, il veut arracher le couteau avec ses pattes, mais il ne peut pas le saisir, et il se l’enfonce de plus en plus dans la gueule ; dans sa rage, il se met à danser, à sauter, à se rouler ; je danse, je saute, je me roule avec lui ; je ris pendant qu’il hurle ; je bats des mains pendant qu’il rugit ; il me poursuit, je l’évite ; il tourne, je tourne ; nous avons l’air de valser. Enfin, le malheureux animal perd tout son sang ; il s’affaisse, il tombe, il se débat et s’étend près de ma porte. Vous comprenez, mes amis, que je ne pouvais pas entrer dans ma chambre avec une masse si lourde gardant ma porte.

Achille.

Pourquoi ne l’as-tu pas roulée au loin ?

Léonce.

Est-ce que je le pouvais, moi ! une si grosse bête !

Achille, d’un air moqueur.

Tu as bien relevé un gros cheval il y a peu de jours !