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Valentin.

Voyons, que demandes-tu ! Je ne veux pas, moi, faire semblant de te méconnaître. Tu me rappelles un temps terrible, la honte de ma vie. Personne ne me connaît ici ; j’y vis honnêtement, en bon ouvrier ; on me fait travailler ; je gagne plus que mon pain et mon logement. Si tu dévoiles mon passé, je suis déshonoré et perdu.

Le mendiant.

Sois tranquille, je ne suis pas méchant, je ne veux pas te perdre ; seulement, tu vas me donner à dîner, à coucher, et puis un peu de monnaie pour gagner une autre couchée.

Valentin, accablé.

Prends tout ce que tu voudras ; laisse-moi mes outils, je ne demande pas autre chose. Quant au dîner, je ne peux te le donner, car je ne mange pas chez moi et je n’ai rien à la maison.

Le mendiant.

C’est bien ! Je ne demande pas l’impossible ! Fais-moi voir ton magot. (Valentin lui fait voir un buffet et ouvre un des tiroirs.)

Valentin.

Prends, dit-il.

Le mendiant, compte et met dans ses poches.

Cinquante, cent, cent trente-quatre francs !… je suis bon prince, moi, je te laisse les quatre francs et j’empoche le reste. (Il s’en va.)