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Maintenant on aime ! Beau progrès, en vérité, aimer ! Mais c’est ridicule, inconvenant, impertinent, d’aimer ceux qu’on doit craindre et respecter. À présent on veut aimer tout le monde, jusqu’au bon Dieu ! Ce n’est pas la crainte qu’on inculque aux enfants, c’est l’amour ! Mon père, qui était un vieux chevalier de Saint-Louis, et qui m’a élevée au fond d’un vieux château, m’a passé ses traditions et m’a fait connaître ceux qu’il faut craindre, ceux qu’on doit respecter et ceux qu’on peut aimer.

Mademoiselle Octavie, réprimant un sourire.

Mais il me semble, madame, qu’on peut à la fois respecter et aimer ; et même craindre et aimer.

Madame d’Embrun, avec solennité.

Non, mademoiselle. On craint Dieu et son souverain. On respecte ses parents, ses supérieurs, les gens d’âge. On aime ses enfants, ses égaux, son chien, son chat.



Scène VI

Les précédentes, Mme d’Atale.


Madame d’Atale.

Me voici toute prête à vous entendre, ma cousine. Je crains un peu de ne recevoir que des plaintes, car je trouve mes filles bien changées de ce qu’elles étaient ; elles ont perdu leur docilité, leur amabilité, leur complaisance, et surtout leur gaieté calme ; elles, qui étaient toujours d’accord, se disputent pour un rien ; elles me répondent avec vivacité, discutent mes