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m’avait chargé la tendresse confiante de mon frère, de ma sœur. Pauvre petite ! elle n’a été heureuse que pendant les années qu’elle a passées loin de moi, quand je l’ai chassée sans m’inquiéter de son avenir… Mais pourquoi a-t-elle dit : L’honneur de votre maison ? C’est elle-même qui m’aurait dévoilé ce Rame… Elle seule… et Georges ! ajouta-t-il avec une angoisse qui fit trembler tous ses membres. — Mais non ; je suis fou !… Georges était là ! Il n’a rien dit… C’est impossible ! Georges ! qui est mon fils, qui dispose de tout ce que j’ai. C’est une idée absurde. Georges ! Que c’est bête d’avoir de pareilles pensées ! Georges ! Ha, ha, ha ! — Il faut que je l’appelle, que je le consulte ; je veux qu’il sache ce qu’a dit le médecin… Je suis fâché d’avoir parlé à ce médecin… Un reste de pitié absurde pour avoir des nouvelles qui m’importaient peu. »

M. Dormère, malgré ses raisonnements, avait conservé du doute et de l’agitation ; il entra chez Georges, qu’il trouva encore dans son lit.

« Comment, paresseux, dit-il en riant, pas levé à neuf heures ?

Georges.

C’est que j’ai mal dormi, mon père ; je suis fatigué.

M. Dormère.

Et moi aussi j’ai mal dormi. La scène d’hier m’a tellement bouleversé ! Sais-tu qu’il me vient des doutes sur la culpabilité de Rame. — Et toi ? »

M. Dormère regarda fixement Georges, qui pâlit et rassembla son courage pour répondre.