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Mlle Primerose qu’il détestait et qui lui disait ses vérités sans se gêner.

Quelques jours avant la fin des vacances, Georges refusa d’accompagner Mlle Primerose et Geneviève dans une promenade qu’elles allaient faire dans les champs. Rame devait les suivre, comme toujours. — Un quart d’heure après leur départ, Georges entra sans bruit chez Mlle Primerose, retroussa ses manches, prit les pinceaux et la palette chargée de couleurs, grimpa sur une chaise et se mit à barbouiller le portrait de Rame, tout en parlant haut comme si le pauvre nègre pouvait l’entendre :

« Attends, coquin, dit-il, je vais te peindre, moi ; je vais te faire des cornes comme à un diable que tu es. — Je vais te barbouiller ton habit de noir. — Là ! te voilà bien maintenant ! Tu ne seras plus fier et tu ne danseras plus devant ton horrible portrait. — Je suis content d’avoir pu t’arranger ainsi. Il y avait longtemps que j’attendais le moment. »

À peine eut-il fini ce dernier mot, qu’il entendit un cri semblable à un rugissement. Il se retourna avec effroi : il n’y avait personne. Dans les premiers moments de sa frayeur il resta immobile, ne sachant d’où provenait ce cri terrible qui n’avait rien d’humain.

Il se dépêcha de tout mettre en place et il se sauva dans sa chambre, inquiet, écoutant les bruits du dehors. Une demi-heure se passa sans qu’il entendît rien d’alarmant. Enfin un cri suivi de plu-