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ont tous des cotes très élevées, et le receveur des domaines est même taxé à 600 livres[1].

Tous ces officiers de finance, auxquels il faut joindre les fermiers généraux, dont l’importance ne cesse de croître, ne se contentent pas de remplir leurs fonctions ; ils s’occupent d’affaires, ils trafiquent avec les deniers de l’État.

Ils rentrent, en un mot, dans la classe, aussi opulente que honnie, de ceux qu’on appelle les traitants ou partisans, qui, moyennant des avances au Trésor royal, se font donner le droit de percevoir tel ou tel impôt, ou de trouver des titulaires pour les nombreux offices de toutes sortes, que crée le pouvoir royal, notamment dans la dernière partie du règne de Louis XIV.

Tous ces traitants s’occupent, comme l’on dit, des affaires extraordinaires, dont le gouvernement royal ne saurait se passer, car les anciens impôts ne suffisent plus à ses besoins. Les bénéfices qu’ils réalisent aux dépens du Trésor sont énormes. Même à l’époque de Colbert, sur une aliénation de 14 420 000 livres, les traitants se font accorder 1 320 000 livres, sans compter la remise d’un sixième, soit 2 333 000 livres ; au total, près d’un sixième. À en croire Boulainvilliers, de 1689 à 1709, sur des traités d’un milliard, 266 millions restèrent entre leurs mains ; ici, c’est le quart, mais c’est que leurs exigences croissaient avec les embarras des finances publiques, En 1694, après cinq ans de guerre, Vauban estimait que les partisans avaient gagné environ cent millions.

C’est que l’on ne pouvait se passer de l’entremise de gens qui détenaient de forts capitaux. Et, il faut bien le dire, des financiers, comme Samuel Bernard, comme les Crozat, ou encore comme Le Gendre, ont rendu de

  1. Voy. H. Sée, La population et la vie économique de Rennes au XVIIIe siècle (Mémoires de la Société d’Histoire de Bretagne, t. IV, 1923).