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les dentelles, les chapeaux de castor, les bas de laine et de soie, la mercerie, la quincaillerie, le papier. C’est alors qu’on voit des hommes d’affaires, comme Jourdan de Grouée, des armateurs, comme Noël Danycan, armer des vaisseaux pour les côtes du Pacifique : en 1706, trois bateaux de Danycan réalisent 350 % de bénéfices. Bien qu’au traité d’Utrecht le privilège de l’asiento ait été donné à l’Angleterre, les armateurs français, les Malouins surtout, continuent dans les colonies espagnoles, pendant quelques années, le commerce interlope, qui leur rapportait de si beaux bénéfices[1]. On va voir, à Saint-Malo, Magon de la Balue, faire le trafic, le plus lucratif avec les colonies espagnoles. Il reçoit en dépôt l’argent de bien des particuliers, — et notamment d’un président du Parlement de Dijon —, qu’il fait fructifier dans ses entreprises d’armement. La place de Nantes ne se développe pas moins. En 1664, le port ne comptait encore qu’une quarantaine de bateaux à deux ponts, presque exclusivement occupés à la pêche de la morue, et une centaine de barques à un pont, faisant le commerce en Espagne, en Angleterre, en Hollande. En 1715, Nantes se livre, déjà à un énorme trafic en Guinée, dans les îles d’Amérique, et beaucoup de ses armateurs Sont devenus puissamment riches[2].

C’est cette classe des armateurs qui, dès maintenant, compte au premier rang des capitalistes de l’époque. Au siècle suivant, on les verra participer souvent à de grandes entreprises industrielles, concurremment avec des gens de finance ; tel, ce Noël Danycan, dont nous venons de parler, qui se fera donner le privilège des mines de Bretagne et de Bourbonnais[3].

  1. Voy. Dahlgren, Les relations commerciales et maritimes entre la France et les côtes de l’Océan Pacifique, Paris, 1909.
  2. Voy. Gabory, La marine et le commerce de Nantes au XVIIe et au commencement du XVIIIe siècle (Annales de Bretagne, 1902, t. XVII).
  3. Voy. H. Sée, Les origines de la Société minière de Pontpéan (Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1924). Cf. aussi H. Sée, Le commerce de Saint-Malo au XVIIIe siècle.