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INTRODUCTION


En un pareil sujet, il importe avant tout de définir exactement ce que l’on doit entendre par l’expression : capitalisme moderne. Certains écrivains prétendent que le capitalisme est né dès que s’est développée la richesse mobilière. À ce compte, il n’est pas douteux que le capitalisme aurait existé déjà dans le monde antique, non seulement chez les Romains et chez les Grecs, mais dans des sociétés plus anciennes, qui ont pratiqué d’actives tractations commerciales[1].

Mais il s’agit en ce cas, si capitalisme il y a, d’un capitalisme purement commercial et financier. Dans le monde antique, le capitalisme ne s’est jamais appliqué à l’industrie ; chez les Grecs et même chez les Romains, on ne trouve que de petits métiers, travaillant pour des marchés locaux, et surtout une main-d’œuvre servile, qui a pour fonction de subvenir aux besoins de la familia, comme c’est le cas sur les latifundia romains.

Dans les premiers siècles du Moyen âge, tout au moins depuis l’époque carolingienne, l’économie a un caractère presque uniquement rural ; les villes ne sont plus guère que des refuges et des forteresses : il n’y a plus trace de capitalisme. Puis, les croisades, en étendant les relations des pays avec l’Orient, en provoquant un grand mouvement commercial, ont permis aux Génois, aux Pisans et surtout aux Vénitiens d’accumuler de grands capitaux ; ainsi s’expliquent les premières manifestations du capitalisme dans les républiques italiennes[2]. Mais on ne saurait, en aucune façon, parler de régime capitaliste, au sens moderne du mot.

Quels sont, en effet, les caractères essentiels de la société

  1. Telle est la thèse, par exemple, de Lujo Brentano, Die Anfaenge des modernen Kapitalismus, Munich, 1916.
  2. Voy. L. Brentano, op. cit., Exkurs II.