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dix-neuf ans, le monopole du commerce dans les Indes Orientales, monopole qui fut renouvelé régulièrement dans la suite. C’était bien le type de la société par actions. Son fonds primitif de 600 000 florins fut peu à peu grossi jusqu’à 6 300 000 florins. Les 2 100 actions, de 3 000 florins, valaient, en 1699, 16 950 florins, et les dividendes s’élevaient souvent à 15 ou même 25 %. La valeur des actions haussait suivant les fluctuations du commerce et les événements politiques. Ces actions donnaient lieu à des spéculations continuelles ; on les achetait non seulement au comptant, mais à terme, de sorte que, comme le dit le Mémoire touchant le négoce et la navigation, des Hollandais, de 1699, « sans avoir d’actions, ni même envie d’en acquérir, l’on en peut faire un grand négoce, et effectivement il n’y en a jamais eu de plus fort ». Et on peut le faire d’autant plus sûrement qu’au moyen de primes les risques deviennent presque insignifiants, se réduisant à 2 % : « il y a, ajoute le Mémoire, une infinité d’autres subtilités… Ceux qui s’en mêlent sont gens vifs et ardents, dont la plus grande obligation est d’alambiquer des nouvelles et inventer Mille moyens pour arriver à leur but ». Les fausses nouvelles sont déjà jeux de bourse fort en usage[1]. Enfin, la Compagnie a émis aussi des obligations, pour une somme de 12 600 000 florins, et dont l’intérêt est de 3 1/2 %. Son administration est, pour ainsi dire, une administration d’État avec ses directeurs, son Assemblée des Dix-sept, son général des Indes, qui dirige sur place les affaires, et sa masse de fonctionnaires, grassement rétri-

  1. Un curieux mémoire anonyme de 1698 attribue ces spéculations surtout aux Juifs ; voy. Léon Vignols, Le commerce hollandais et les congrégations juives à la fin du XVIIe siècle (Revue historique, 1890, t. XLIV, pp. 327-330).