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mais elle est sensible aussi pour beaucoup de matières précieuses et de, produits manufacturés, pour le prix et le revenu de la terre. Il est malaisé de déterminer l’amplitude de cette hausse ; il semble qu’elle n’ait pas été inférieure à 100 %, et elle s’éleva peut-être à 200 %. C’est en vain que l’administration royale essaya de remédier à la hausse en édictant des maximum pour les prix et les salaires notamment en 1544, 1567, 1577. Il n’y eut que quelques rares contemporains à comprendre les vraies causes du phénomène, notamment Jean Bodin, qui, en 1568, publia son Discours sur le rehaussement et la diminution des monnaies[1].

Ces phénomènes ne sont pas, d’ailleurs, particuliers à la France. La hausse des prix se produit partout en Europe, au XVIe siècle, et surtout dans la seconde moitié de ce siècle ; on le voit nettement en Angleterre, où elle contribua à la hausse des rentes seigneuriales.

Une autre conséquence de l’afflux des métaux précieux, ce fut l’accroissement du capital mobilier ; il en résulta une grande activité économique, qui se manifesta par les progrès du commerce, puis par la création d’industries nouvelles. Fait bien curieux : même dans les campagnes françaises, on voit se dessiner un actif mouvement de spéculation sur les terres, sur les produits de la culture ; il se, constitue une classe de laboureurs-marchands, qui s’enrichissent parfois au point d’acheter nombre de métairies et même des fiefs nobles, tout comme les marchands des villes, au moment même où l’ancienne noblesse, ruinée, vend ses terres et se trouve précipitée dans une condition inférieure, si la faveur de la Cour ne vient redorer ses blasons. C’est ce qu’a montré

  1. Voy. Henri Hauser, Controverse sur les monnaies (Travailleurs et marchands de l’ancienne France, Paris, 1920). — Toutefois, l’afflux des métaux précieux n’a pas été la seule cause de la hausse des prix ; à partir de 1570, et, jusqu’à la fin du siècle, il faut tenir compte des ravages produits par les guerres de religion.