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nufactures a été plus tardif aussi. On peut saisir dans ces phénomènes une conséquence directe de la création de la grande industrie capitaliste. Les usiniers trouvent avantage à employer ces femmes et ces enfants, dont les salaires sont inférieurs à ceux des hommes.

Les ouvriers, dans l’ensemble, se montrent hostiles à la transformation industrielle et surtout à l’introduction du machinisme. En Angleterre, cette hostilité se manifeste très fortement dans les vingt dernières années du XVIIIe siècle et au début du XIXe ; les bris de machines sont des épisodes très fréquents, et l’on sait la gravité du mouvement des luddites (1811-1812). En France, à Rouen, une émeute populaire détruisit, en juillet 1789, l’établissement de Brisout de Barneville, mais sous le Premier Empireon ne signale aucun acte de violence. À partir de 1815, les manifestations contre le machinisme devinrent plus fréquentes, mais sans prendre les mêmes proportions qu’en Angleterre. C’est que l’évolution y fut plus lente.

Un fait bien frappant, en effet, c’est qu’avant de prendre l’aspect d’une classe révolutionnaire, les ouvriers, dans leur ensemble, se distinguent par leurs tendances conservatrices. On le comprend : ils songent surtout, — et c’est bien naturel, — aux souffrances que leur infligent les innovations. Aussi, en Angleterre, demandent-ils le maintien, l’application de l’ancienne législation d’Élisabeth, de la réglementation fixée par le Statute of artificers, de 1563 ; ils veulent que l’on conserve l’obligation de l’apprentissage, la limitation du nombre des apprentis, la fixation des salaires par les juges de paix. Le principe du laissez-faire triomphe du principe d’intervention : en 1813 et 1814, c’est l’abrogation des règlements relatifs aux salaires et à l’apprentissage. La classe novatrice paraît être, au contraire, celle des nouveaux chefs d’industrie, entreprenants