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2. Le capitalisme et l’abolition de l’esclavage. — Il semble aussi que l’abolition de l’esclavage se trouve en relation plus ou moins directe avec les progrès du capitalisme. À première vue, il semble qu’elle soit le produit des sentiments philanthropiques et des idées libératrices, qui se sont manifestées si fortement pendant la Révolution française. On ne peut nier l’influence des principes de 89, ni l’action de certaines sectes protestantes. Mais les progrès de la grande industrie ne demandaient+ils pas aussi l’accroissement d’une main-d’œuvre, dégagée de tout lien servile ? Adam Smith déclarait déjà, dans La richesse des Nations[1] :

« L’expérience de tous les temps et de toutes les nations s’accorde pour démontrer que l’ouvrage, fait par des esclaves, quoiqu’il paraisse ne coûter que les frais de leur subsistance, est, au bout du compte, le plus cher de tous. Celui qui ne peut rien acquérir en propre ne peut avoir d’autre intérêt que de manger le plus possible et de travailler le moins possible ».

Aux États-Unis, ce sont les États commerçants et industriels du Nord qui ont soutenu la cause de l’émancipation. À la suite de leur victoire, l’industrie a commencé à se développer dans les anciens États à esclaves[2].

D’ailleurs, parmi les écrivains qui se prononçaient pour l’émancipation des noirs, il y en avait un bon nombre qui invoquaient des raisons d’ordre économique. Tels, H. C. Carey, dans The slave trade, domestic and foreign, et Helper, dans Impending crisis ; tous deux considéraient que les progrès de l’industrie et du commerce étaient incompatibles avec le maintien de l’esclavage. Les États du Sud restaient fidèles à l’ancienne économie. Mais, vers le milieu du siècle, il était bien

  1. Livre III, chap. 2.
  2. Voy. C. E. Cairnes, The slave power, 1861 ; Henry Wilson, The rise and fall of slavery, 4e éd., 1875.