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pour l’exportation ; la demande de laine devient de plus en plus forte. Voilà pourquoi l’élevage du mouton, le sheep farming, prend de plus en plus d’importance, surtout dans le sud et l’est du royaume. Aux anciennes formes de tenures commence à se substituer le fermage. C’est ainsi que l’industrie va peu à peu exercer une action dissolvante sur l’ancienne économie rurale.

La hausse des prix, qui se manifeste, comme partout, au XVIe siècle, pousse aussi les seigneurs à arrondir leur domaine proche, comme à faire hausser les rentes coutumières auxquelles sont astreints les tenanciers. Voilà pourquoi la pratique de l’enclosure se développe de plus en plus ; déjà, on perçoit les évictions de nombreux tenanciers, la concentration de la propriété au profit des seigneurs et au grand détriment de la petite propriété paysanne, tandis que le sheep farming diminue le nombre des travailleurs salariés[1].

Toutefois, c’est au XVIIIe siècle que les enclosures produisent leur plein effet et aboutissent à l’élimination presque complète de la propriété paysanne, ainsi qu’à la dépopulation des campagnes. Contrairement à ce que l’on a dit parfois, la « révolution industrielle » n’a pas été la cause essentielle de ce grand mouvement ; ce serait plutôt l’inverse, mais, par une sorte de choc en retour, l’avènement de la grande industrie a contribué à l’achèvement de la transformation agraire, et d’autant plus que l’industrie rurale est profondément atteinte. D’ailleurs, ni l’élimination de la petite propriété paysanne, ni la dépopulation des campagnes ne se sont partout produites avec la même intensité ; M. Moffit[2] montre

  1. Voy. Tawney, The agrarian problem in the XVI century, Londres, 1912. — Dans les Pays-Bas, au XVIe siècle, le capitalisme s’infiltre aussi dans la vie agricole ; on voit se développer la pratique du fermage, et un prolétariat rural prend naissance. Voy. Pirenne, Hist. de Belgique, t. III, pp. 256-258.
  2. England on the eve of the industrial revolution.