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grand nombre de lignes de chemins de fer va transformer toute la circulation intérieure et hâter la marche de l’évolution[1]. Un signe, d’ailleurs, de toute cette évolution, ce sont les progrès de l’industrie houillère : l’exportation du charbon passe de 250 000 tonnes, en 1828, à 2 100 000, en 1845. Un autre signe, c’est l’accroissement énorme des matières premières importées : du coton (51 millions de livres, en 1813 ; 490, en 1841) et de la laine (9 775 000 livres, en 1820 ; 49 millions, en 1840)[2].

Quant à la concentration capitaliste, elle se manifeste par la création d’innombrables sociétés anonymes. Plus de 600 se sont fondées depuis 1822, représentant un demi-milliard de livres sterling ; elles ont pour objets les assurances, les eaux, le gaz, les mines, les canaux, les ports, les chemins de fer. Les banques privées diminuent au profit de sociétés bancaires. De celles-ci, on comptait déjà 30, en 1833, pour l’Angleterre, 3, pour l’Irlande ; de 1833 à 1836, il s’en fonde 72 en Angleterre et 10 en Irlande, toutes émettant des billets. Cette floraison capitaliste a pour conséquences de grandes spéculations et des crises graves, comme celle qui éclata en 1825, et dont les effets se firent sentir jusqu’en 1832[3].


Est-ce à dire que l’évolution capitaliste soit achevée en Angleterre, vers 1850 ? En aucune façon. Les petits métiers sont encore nombreux. Les bonnetiers de Leicester, les tisserands en coton du Lancashire, les tisserands en laine de Norwich et de Bradford, qui travaillent en chambre, ont des salaires de famine, huit fois inférieurs à ceux des ouvriers de la grande industrie. Ce

  1. Cf. Hobson, ouv. cité, p. 64. — Sur ce qui précède, voy. É. Halévy, ouv. cité, t. III, p. 255 et suiv. Cf. Edward Baines, History of the cotton manufacture in the Great Britain, 1835 ; Barbage (Ch.), On the economy of manufactures and machinery, 1832 ; Andrew Ure, The philosophy of manufactures, 1835.
  2. Hobson, ouv. cité p. 61 et suiv.
  3. É. Halévy, ouv. cité, t. II, p. 209 et suiv., t. III, p. 362 et suiv.