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l’ouest —, a relégué au second rang la vieille Angleterre des comtés du midi. En France, rien de semblable : la transformation industrielle a aussi pour conséquence d’augmenter la population urbaine aux dépens de la population rurale, mais dans des proportions bien plus faibles qu’en Angleterre, et, à considérer l’ensemble du pays, l’ancien équilibre s’est maintenu. C’est que la France est restée, en grande partie, un pays agricole ; la « révolution industrielle » n’y a pas été intense. Elle s’est produite aussi beaucoup plus tardivement qu’en Angleterre, où nous la voyons triompher, tout au moins dans l’industrie du coton, dans les vingt dernières années du XVIIIe siècle. Souvent les mêmes personnages (tel, Samuel Oldknow), qui faisaient encore fonction, vers 1780, de marchands-fabricants, fondent quelques années plus tard de grandes filatures contenant des centaines d’ouvriers[1].

Cependant les pages précédentes donneront au lecteur, nous le pensons, l’impression que la grande transformation industrielle qui se produit est moins une révolution, selon l’expression mise à la mode par Toynbee, qu’une « rapide et irrésistible évolution », selon l’heureuse formule de Sir William Ashley. Sur le vaste théâtre de l’histoire économique, il ne se produit pas de changements de décors à vue. De même que, de bonne heure, dès le XVIe siècle tout au moins, certaines industries, comme les exploitations minières, affectent déjà la forme d’entreprises capitalistes, l’ancienne organisation du travail, l’artisanat n’ont pas brusquement disparu partout de la scène ; on les verra survivre même à l’époque où triomphera le capitalisme industriel.

  1. Voy. le très intéressant ouvrage de G. Unwin, Samuel Oldknow and the Arkwrights, Manchester, 1924.