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Reims, plus de la moitié des métiers sont groupés dans de grandes manufactures. À Louviers, la concentration est plus forte encore quinze entrepreneurs groupent des milliers d’ouvriers l’un d’eux fait construire, pour 200 000 livres, une énorme manufacture abritant cinq ateliers. Cependant, même en ce cas, il subsiste bien des travailleurs qui travaillent isolément. On voit donc que, dans la draperie, la concentration industrielle, quand elle se produit, ne procède pas du machinisme, qui n’apparaîtra que sous le Premier Empire.

Dans la bonneterie, l’emprise du capitalisme commercial sur la fabrication provient surtout de l’usage des métiers, qu’on a employés de bonne heure, et dont le prix est assez élevé (3 à 400 livres). Partout, ce sont quelques gros marchands-fabricants qui tiennent dans leur dépendance les maîtres ouvriers : à la fin de l’ancien régime, à Lyon, 48 marchands font travailler 819 maîtres-ouvriers ; à Orléans, 55 marchands occupent 260 maîtres.

Un fait significatif, c’est que les marchands-fabricants, même lorsque la fabrication est dispersée, peuvent à bon droit s’intituler manufacturiers. Le mot manufacture est souvent synonyme du mot actuel d’industrie, qui n’est encore que rarement employé, au XVIIIe siècle, dans le sens qu’il a pris au XIXe siècle[1]. On dira, par exemple, la manufacture de toiles de Rennes, et, quand il s’agit du travail des artisans, on se sert du terme d’arts et métiers.


4. Les manufactures. — Aussi semble-t-il que les manufactures n’aient pas joué le rôle clé premier plan qu’on leur a souvent attribué, et dont Karl Marx, dans le Capital, fait si grand état.

  1. Voy. H. Sée, À propos du mot « industrie » (Revue historique, mai 1925) ; H. Hauser, Le mot « industrie » chez Roland de la Matière (lbid., nov. 1925).