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notamment avec les Colonies anglaises de l’Amérique du Nord. Ils avaient un grand avantage à écouler leur sucre et leurs mélasses en ce pays et ils éprouvaient également le besoin d’être approvisionnés en bois, en farines, en poissons, qu’ils trouvaient à meilleur compte sur le continent voisin qu’en France. Ainsi s’explique déjà l’échec de la politique commerciale de Colbert[1]. La perte du Canada et de la Louisiane donne, plus d’acuité encore à leurs revendications. Aussi la contrebande vient-elle parer aux inconvénients de la législation existante. Puis, le gouvernement est obligé de céder peu à peu : Choiseul, après 1763, malgré les réclamations des armateurs français, autorise les Anglais à importer la morue dans les Antilles françaises, moyennant un droit de 8 livres par quintal. Puis, l’arrêt du Conseil de 1784 permet aux navires étrangers d’aborder dans plusieurs ports des colonies françaises, au grand mécontentement des armateurs de la mère-patrie, pour lesquels le commerce avec les « îles d’Amérique » était la grande source de richesses.

En un mot, tous les colons des deux Amériques étaient unanimes à ne plus vouloir de l’ancien pacte colonial, tandis que les négociants du vieux monde, dans chaque pays, s’ils prétendaient conserver leur monopole particulier, s’efforçaient de détruire celui de leurs rivaux. Ainsi s’explique l’affranchissement des colonies anglaises et espagnoles, qui donnera naissance à de jeunes républiques pleines d’avenir.

Ce grand fait, qui se prépare depuis un siècle et demi, et qui est l’un des événements les plus importants de l’histoire universelle, a été déterminé par toute l’évolution économique des peuples civilisés, par les progrès du capitalisme, auxquels a précisément donné nais-

  1. L. Mims, Colbert’s West India Policy, Newhaven, 1912.