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LES MUSES FRANÇAISES

Lune, voici mon cœur, brin séché de fougère,
Perdu dans l’épaisseur des bois enténébrés,
Lune, voici mon cœur, sombre rameau de lierre
Au pan de ce mur noir durement enserré.

Eclaire-le, ce cœur, mendiant misérable
Et qu’à l’immense fête on n’a point convié.
Triste quand sont joyeux l’églantier et l’érable,
Mon cœur humain qui pense au lieu de verdoyer.

Que ton rayonnement l’apaise et le pénètre.
Ce cœur comblé de nuit, d’un dieu déshérité.
Lune, verse sur lui comme aux branches des hêtres.
Ton calme enchantement et ta sérénité.

(Par V Amour.)

CROIS-MOI


Crois-moi, ne regarde pas la vie en face,
Mais par les midis clairs ou par les nuits d’étoiles,
Silencieusement quand tu la vois qui passe,
Pour savoir ce qu’elle est n’écarte pas son voile.

Raccroche la tunique à son épaule nue
Et que son pan raidi recouvre la sandale ;
Afin qu’elle te reste à jamais inconnue,
Rattache sur son front le lourd manteau d’opale.

Et, si parfois tu la devines familière
Qui s’assied près de toi, plus douce et moins farouche
Avec des fleurs aux doigts, respecte son mystère ;
Veut-elle te parler, mets ta main sur sa bouche.

Beaucoup sont morts d’avoir pénétré son langage.
D’avoir un soir de lune, écoutant leur envie.
D’un geste curieux dévoilé son visage,
Car la science de vivre est d’ignorer la vie.

(Par V Amour.)