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LES MUSES FRANÇAISES


...Je les vois aujourd’hui, cet aujourd’hui, mon jour
A moi, qui suis vivante et ris de mes mains fraîches.
Que disait-il, déjà, le bon faiseur de prêches ?
« Madame, ces mains-là pourriront à leur tour. »

Que disait-il ? — Ah ! ce que sont, dans le silence,
Vos deux mains en cet aujourd’hui, mon aujourd’hui !
L’une en griffe, une encor plus antique et conduit
La ronde cliquetante et marque la cadence.

Mais l’autre, contournée et sèche et qui s’avance,
Qui donc invite-t-elle à entrer dans la danse ?


BONHEURS

 

Ne regarde pas trop ton Bonheur, si tu veux
Le bien aimer, et que ta vie en soit meilleure,
Et que, goûtée en lui, la substance de l’heure
Se change dans ton âme en un sang précieux.

Ne le regarde pas, si tu veux croire en lui :
Crains, à t’ enquérir trop de la mouvante face,
D’apercevoir sa froide et profonde grimace
Dans les jours qu’elle prend la forme de l’ennui.

Ainsi que la verveine et le basilic fort
Qui parmi les chiffons du grenier et les outres.
Sèchent, et dont l’odeur glisse à travers les poutres
Vers la chambre où l’on file et la chambre où l’on dort.

Enferme ton Bonheur où tu vie is rarement ;
Qu’il reste là, parmi les choses qu’on dédaigne ;
Et si ton cœur distrait d’un bon parfum s’imprègne.
Sache t’en exalter avec étonnement.


LES TOITS BAS


Les toits bas sont roussis et chauds comme des pains,
Le mûrier bas écrase au sol ses mûres blanches ;
Dans les greniers, le foin gris passe au joint des planches ;
Un sac crève, filtrant sa poussière et ses grains.