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JEAN BERTHEROY




Mme Jean Bertheroy — de son vrai nom Berthe Le Barillier — est née à Bordeaux, en 1868. Bien qu’elle soit connue surtout comme romancière, ce fut par des poésies qu’elle débuta dans la vie littéraire. Elle publia deux volumes de vers qui la mirent immédiatement en évidence… Puis elle se consacra entièrement au roman. On sait quel éclatant succès rencontrèrent ses livres, notamment Le Jardin des Tolosati, Les Vierges de Syracuse, L’Ascension du Bonheur, et surtout cette infiniment charmante Danseuse de Pompéi. Bien que n’écrivant plus en vers, Mme Jean Bertheroy a fort peu cessé, en vérité, de faire œuvre de poète. Ses romans sont de véritables évocations poétiques où le symbole se mêle à la passion la plus humaine ; le style en est harmonieux et un évident souci du rythme a guidé la plume de l’écrivain. Mme Jean Bertheroy n’abandonna d’ailleurs jamais complètement le commerce des Muses ; c’est ainsi que la Comédie-Française a représenté d’elle, en 1897, un à propos en vers : Aristophane et Molière. En 1900, l’Académie française ayant proposé, comme sujet du prix d’éloquence, l’éloge d’André Chénier, Mme Bertheroy, heureuse d’honorer le grand élégiaque et, sans doute aussi, heureuse de parler d’un poète, ce qui était encore un moyen de se rapprocher du Parnasse, concourut et remporta le prix. C’était là sa troisième couronne, l’Académie l’ayant déjà récompensée en 1893, pour son roman Ximénès et, en 1890, pour Femmes antiques, son second recueil poétique.

En poésie, Mme Bertheroy se rattache à l’école de Leconte de Lisle ; comme chez les parnassiens, on trouve chez elle ce soin extrême à fuir le vers banal et la rime usée. Elle affirme aussi son goût pour la plastique des mots et des choses, — ce qui est encore beaucoup plus d’une âme méridionale que d’un poète parnassien, — elle tourne, avec une douce et pieuse joie, ses yeux et sa pensée du côté de l’antiquité harmonieuse et pure. Le recueil des Femmes Antiques renferme de larges fresques, des évocations bien vivantes des grandes héroïnes des temps fabuleux et légendaires. Tour à tour, elle chante Psyché, Circé, Sémiramis, Messaline, Débora, Judith, etc., et, dans de beaux vers lyriques et ailés, elle exalte leur beauté, leur vertu, leurs passions et tout ce qui fit de ces héroïnes des créatures surhumaines, mais aussi des femmes. Car, comme l’a fort bien dit M. Léopold Lacour : « Les types qui semblaient consacrés, elle les a transformés, sans les dénaturer. Retrouvant en eux « l’éternel féminin », elle s’est accordé le droit de les moderniser, en donnant d’eux une interprétation mystique ou passionnée. Elle ne leur a rien ôté de ce qu’ils ont d’éternel ; elle a simplement amené jusqu’à nous leur éternité. »

Je citerai encore les quelques lignes suivantes de M. Lacour qui résument bien ma pensée : « Souhaitons que Mme Jean Bertheroy revienne à la poésie ; car, dans son évolution à travers le roman, le don poétique s’est encore développé en elle ; l’éducation de sa sensibilité s’est achevée ; c’est avec une puissance nouvelle, des ressources infinies, je dirais pres-