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MARIE HUOT




Quoi que puisse écrire Mme Marie Huot, son œuvre restera toujours au-dessous du haut pittoresque qui s’attaclie à sa vie et à sa personne, — Née h Tonnerre, en 1846, elle descend, par son père, d’une très ancienne famille, les de Baon, grande lignée espagnole d’origine probablement sarrasine. Par sa mère, elle est alliée aux Trubert d’Ancy-le-Franc. A l’hospice de Tonnerre l’on voit la statue de marbre blanc d’un de ses aïeux, secrétaire et conseiller de Louvois. — La vie de Mme Marie Huot a été très agitée ; c’est que Mme Huot possède une âme d’apôtre ; elle est persuadée qu’elle a une mission à accomplir sur cette terre et elle s’y est consacrée avec l’enthousiasme et l’opiniâtreté des croyants… et des femmes ! Mme Marie Huot s’est instituée la grande amie et protectrice des animaux. Elle a mené des campagnes anti-vivisectionnistes qui firent beaucoup de bruit dans leur temps et, non contente de défendre ses idées par la parole, Mme Huot ne craignit pas d’en venir aux actes. En 1886, un jour que Pasteur présidait, à la Sorbonne, une conférence sur la découverte de la prophylaxie de la rage, elle proteste si énerglquement que, sans M. de Lesseps qui prit sa défense, les deux mille étudiants présents lui eussent fait passer un fort mauvais quart d’heiu"e ; un autre jour, au collège de France, elle se précipite sur le professeur BrownSôquard, au moment où il s’apprêtait à viviséquer un singe, et le larde de coups d’ombrelle. Une autre fois, c’était en 1899, en compagnie d’un peintre suédois, elle se rend aux Arènes de Deuil, près d’Enghien, où on avait organisé des courses de taureaux, et blesse à coups de revolver deux toréadors. A la suite de ce « geste » les courses furent interdites. Mme Marie Huot a encore donné aux bêtes des preuves de sa maternelle sollicitude en fondant, en France, les premiers refuges d’animaux. J’ajouterai que Mme Huot est végétarienne et disciple convaincue de Malthus — r encore que, sur ce dernier point, ce soit surtout au profit de son idéal zoophile que la doctrine malthusienne l’intéresse.

« Il est entendu — m’écrit-elle — que je suis personnage excentrique et le docteur Magnau m’a même classée dans ses dégénérés supérieurs — ça console ! »

A lire ses vers, on a l’impression que Mme Marie Huot a l’ame triste, assolée et pleine d’un vague ennui. Sans indulgence pour l’humanité et l’égolsme des homjnes, toute sa tendresse c’est sur les bêtes qu’elle la reporte. Les bêtes — les chats — lui inspirent des vers qui ne sont pas toujours à vrai dire, sans naïveté… Certaines pièces cependant, comme las Litanies des hêtes, par exemple, sont pour le moins curieuses.

Mme Marie Huot possède un métier très sûr. Son talent descriptif et la plastique de sa forme l’apparentent aux parnassiens ; son goût pour l’expression rare et son pessimisme douloureux font un peu soni^er à Baudelaire.

BIBLIOGRAPHIE. — Le Missel de Notre-Dame des SolUudes, Sansot et Cie, Paris, 1908. in-18.

CONSULTER. — Chinoholle, Les Mémoires de Paris. — Rachilde, Marie Huot (préface au Missel de Notre-Dame des Solitudes.)