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LES MUSES FRANÇAISES


« J’aime la solitude aux lumineux silences,
Et l’espace infini des grands horizons clairs ;
J’aime la vie avec ses hautes espérances,
Et le rythme puissant de ses profondes mers.

« J’aime la rêverie aux beaux yeux de caresse,
Et j’aime à voir, tandis que ma douleur s’endort,
Dans les plaines du ciel où se perd ma détresse
Les étoiles briller comme des lames d’or.

« J’aime la paix qui vient, émouvante et divine,
Se poser sur mon cœur, las des travaux du jour,
Et l’âpre sentiment qui remplit ma poitrine,
Plus pur que le désir et plus fort que l’amour.

« Comme un parfum amer et doux de roses sèches
Souvent monte vers moi le regret du bonheur ;
Mais je sais un jardin où, près des sources fraîches,
Ne se fane jamais le lis de la douleur ! »


VERS LES SOMMETS



Quand je t’ai rencontrée au détour de la route,
Ô Vertu, sur mes yeux se sont posés tes yeux ;
J’ai lu dans ton regard des ordres qu’on redoute
Et qui dictent pourtant la volonté des dieux.

Tu m’as dit : « Viens, suis-moi ! Qu’importe où je te mène !
Viens dans le tourbillon du vent au souffle amer,
Viens sur les hauts sommets, viens dominer la plaine,
Viens devant le silence immense de la mer ! »

Et je t’ai répondu : « Ma force est peu de chose !
Je ne suis qu’une femme au cœur fait pour l’amour ;
Je peux mourir de joie au parfum d'une rose :
Les vents me briseraient avant la fin du jour.

« Laisse-moi ! Je veux vivre enivrée, éperdue
De tendresse, d’amour, de bonheur, de désirs !
Vois, la terre est si belle ! À travers l’étendue
Roule comme un torrent le fleuve des plaisirs !