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138 LES MUSES FRANÇAISES

C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge. Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main; Car, vois-tu, chaque jour je t'aime davantage, Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain. Et de ce cher amour qui passe comme un rêve Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur; Retenir, s'il se peut, l'impression trop brève, Pour la ressavourer plus tard avec lenteur. J'enfouis ce qui vient de lui comme un avare, Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ; Je serai riche alors d'une richesse rare; J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours ! Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève Ma mémoire parfois me rendra la douceur ; Et de ce cher amour qui passe comme un rêve J'aurai tout conservé dans le fond de mon cœur. Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille. Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs. Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille, Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants. Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête. Nous nous croirons encore aux heureux jours d'antan Et je te sourirai tout en branlant la tête. Et tu me" parleras d'amour en chevrotant. Nous nous regarderons, assis sous notre treille, Avec de petits yeux attendris et brillants, Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille. Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blaMct. CECI EST MON TESTAMENT

Je vous laisse, ami cher, la très mignarde estampe Que vous aviez trouvé me ressembler beaucoup, La mèche de cheveux qui frisait sur ma tempe, Les médailles d'argent que je portais au cou. Et je vous laisse aussi ma robe en mousseline, Celle que vous aimiez, — mes souliers de satin. Et mon petit manchon, et puis la capeline Dont je m'emmitouflais pour sortir le matin.