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LES MUSES FRANÇAISES

D’être aimé d’elle. Ainsi, la pauvre vieille
Recevait bien pareille pour pareille.
De maints, en vain, un temps fut reclamée
Ores qu’elle aime, elle n’est point aimée.
Ainsi, Amour prend son plaisir, à faire
Que le vœu d’un soit à l’autre contraire.
Tel n’aime point qu’une dame aimera ;
Tel aime aussi, qui aimé ne sera :
Et entretient, néanmoins, sa puissance
Et sa rigueur d’une vaine espérance.


ÉLÉGIE

D’un tel vouloir le serf point ne désire
La liberté, ou son port le navire.
Comme j’attends, hélas, de jour en jour
De toi, Ami, le gracieux retour :
Là, j’avais mis le but de ma douleur.
Qui finerait[1], quand j’aurais ce bonheur
De te revoir : mais de ta longue attente.
Hélas, en vain mon désir se lamente !
Cruel, cruel, qui te faisait promettre
Ton bref retour dans ta première lettre ?
As-tu si peu de mémoire de moi,
Que de m’avoir si tôt rompu la foi ?
Comme[2] oses-tu ainsi abuser celle
Qui de tout temps t’a été si fidèle ?
Or que tu es auprès de ce rivage
Du Pau Cornu, peut-être ton courage
S’est embrasé d’une nouvelle flamme,
En me changeant pour prendre une autre dame.
Jà en oubli inconstamment est mise
La loyauté que tu m’avais promise
S’il est ainsi, et que déjà la foi
Et la bonté se retirent de toi :
Il ne me faut émerveiller si ores
Toute pitié tu as perdu encores.
Oh ! combien a de pensée et de crainte,
Tout à part soi, l’Âme d’Amour atteinte !
Ores je crois, vu notre Amour passée
Qu’impossible est, que tu m’aies laissée :

  1. Finirait.
  2. Comment.