Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/367

Cette page n’a pas encore été corrigée

ONDINE VALMORE 365

Voyez ! Les blés viendront, Dieu sourit, l'herbe pousse,
Nous voilà réunis pour aimer et tout voir.

« Oh ! cette fois enfin la nature est constante !
Nos cœurs ont trop souffert pour se tromper encor.
Tout s'émeut, tout renaît sous une main puissante.
Salut ! c'est le bonheur avec ses rayons d'or. »

Mais l'orage est venu. La paisible couvée
A vu fondre l'hiver au milieu de ses jeux ;
Et puis dans l'ouragan mainte plume enlevée.
Sanglante, a tournoyé sous le vent furieux.

Le grand souffle a brisé le nid, seule richesse
De la pauvre famille éperdue; et les bois,
Etonnés et noircis d'une prompte vieillesse,
N'ont plus qu'un sombre écho pour répondre à sa voix.

Maintenant elle part. Pauvre déshéritée !
C'est aux soleils lointains qu'elle se traîne encor.
Plus d'orgueil, plus de chant, l'aile aux vents agitée,
Dans le deuil des chemins tente un tremblant essor.

Ils s'en vont. Un beau jour vaut-il ce qu'il leur coûte,
Le rossignol a fui. Tout est sombre, ils s'en vont ;
Et leur vol inégal hésite sur la route
Où Dieu qui les regarde a dit : « Ils souffriront ! »

L'ANNIVERSAIRE

A MAMAN

Vingt ans ! quoi ! j'ai vingt ans, ma mère, et les journées
Ont apporté cette heure en jouant avec moi !
Quoi! de si courts instants ont formé vingt années !
L'adolescence ainsi courut-elle pour toi '?

Comme au bruit d'une étrange et charmante nouvelle.
J'ai tremblé ce matin en saluant ce jour :
Ce jour tout revêtu de grâce solennelle,
Pour m'annoncer vingt ans me réveille à mon tour.

Mais toi, dis? quel penser dans ton cœur vient de naître!
La surprise ou l'effroi t'ont fait chercher les cieux ;
Tu tremblais. A la fois, soudain j'ai vu paraître
Un sourire à ta lèvre, une larme à tes veux.