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LES MUSES FRANÇAISES

tionne Arthur, dont la cour est parfois le théâtre du récit et aussi Tristan. On peut y reconnaître les débris d’une ancienne mythologie, d’ordinaire incomprise et presque méconnaissable ; il y règne en général un ton tendre et mélancolique en même temps qu’une passion inconnue aux chansons de geste ; d’ailleurs les personnages des contes celtiques sont transformés en chevaliers et en dames. » Or, précisément, les plus beaux lais de Marie de France eurent pour modèle des fables bretonnes, elle le déclare elle-même au commencement ou à la fin de chacun d’eux.

Le Chèvrefeuille est de tous ses lais celui qui est le plus connu ; cependant, le lai d’Eliduc lui est certainement supérieur. On peut même assurer que c’est là le chef-d’œuvre de Marie de France. Il y a dans cette pièce des qualités qu’il est rare de rencontrer dans les autres productions de cette époque. Marie a su avec un art véritable rendre ses héros également intéressants, et faire naître du caractère même des personnages les incidents les plus pathétiques. On est séduit par la grâce des scènes d’amour et par des détails pleins d’une charmante délicatesse.

Outre les Fables et les Lais, on possède encore de Marie un poème intitulé L’Espurgatoire de Saint Patriz. Il ne s’agit d’ailleurs que de la traduction du Tractatus de Pargatorio S. Patricii de Henri de Salterey, où l’on trouve la description des maux de l’autre monde d’après la conception irlandaise.

Marie de France réunit ses fables sous le titre général de Dit d’Ysopet (le livre d’Esope).

Ses principaux lais sont : Guigemar, Bisclavret, Lanval, Yonec, le lai du Chèvrefeuille (épisode de la légende galloise de Tristan). Certains, comme le Frêne, les Deux Amants se passent en Normandie ; d’autres sont des récits qu’on rencontre un peu partout : Laustic (ou le Rossignol), Milon, Equitan, Eliduc, etc.

CONSULTER : CONSTANT, Marie de Compiègne et L´Evangile aux femmes, Bull. soc. his. Compiègne (1876). — GIDEL, dans Revue hist. de l’Anjou (1868). — La Croix du Maine et du Verdier, bibl. Franc. (1772-3). — B. DE ROQUEFORT, Poésies de Marie de France (1819), RAYNOUARD, dans Journal des savants (1820). — G. PARIS, dans Romania. — J. BÉDIER, Revue des Deux-mondes 15 oct.1891. — EUQ. CRÉPET, Les Poètes français. — PETIT De JULLEVILLE, Hist. de la langue et de la litt. Franç. 1896.


ÉLIDUC


Un vaillant chevalier de la Petite-Bretagne, Eliduc, le héros du lai, disgracié par son roi, va chercher en Angleterre de quoi occuper son bouillant courage. Il s’embarque avec dix compagnons après avoir juré à sa femme de lui conserver sa foi. Un vieux Roi du pays d’Exeter, en guerre avec des voisins, le prend à son service et Eliduc est assez heureux pour repousser les ennemis. Le Roi le comble de bienfaits et lui demande de rester à sa solde pendant un an.

Cependant, Guilladon, fille unique du roi, qui a entendu