Page:Séché - Le Cénacle de La Muse française, 1908.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée
280
LE CÉNACLE DE LA MUSE FRANÇAISE

possède un certain nombre de lettres de Marie, mais celles d’Ulric ont été perdues, et l’on jugera de l’étendue de cette perte en lisant ce qui suit : « Il faut avoir eu le bonheur de correspondre avec cette plume sans pareille pour savoir ce que peut contenir de charme tout puissant une feuille de papier pliée en quatre. » — Ainsi parlait Marie Nodier. Je n’oserais pas en dire autant de ses lettres, mais elles prouvent, entre autres choses, que, malgré sa ressemblance physique et morale avec son père, elle n’avait point héiité de sa paresse (1).

Un jour qu’Ulric se plaignait de son silence, elle lui répondit en ces termes :

« Je ne crois pas aux lettres qui s’égarent, cher et illustre ami, ni vous non plus, assurément. Il faut être d’une extrême jeunesse et n’avoir pas encore laissé échapper une seule maille de ses illusions, pour se prêter à celle-là.

« Ce qui n’empêche pas, s’il vous plaît, que j’aie affaire au moins une fois par semaine à un événement de ce genre, circonstance qui donne bien quelque mérite à la persévérance de mon incrédulité.

« Ordinairement, lorsque ma prose se perd, je me contente de l’accompagner de mes regrets et de souhaiter que la terre lui soit légère ; il s’agit le plus souvent d’un chiffon demandé, dont l’absence infiniment trop prolongée me révèle le mauvais sort de ma missive ; ce chifî’on attendu est remplacé par un autre qui ne s’y attendait pas, et je me

(i) Allusion à la lettre que Nodier adressait à Chênedollé, le 16 janvier 1831.