Page:Séché - Joachim Du Bellay, 1880.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que c’est bien là l’artiste épris du beau ! mais le cadre paien valait mieux que la toile chrétienne. Quelle déception pour du Bellay quand il a mis le pied dans le cloaque impur de la cité des papes ! Il s’était figuré une ville austère, une nouvelle Sion sanctifiée par ses souvenirs religieux et voilà que « dessous l’orgueil des trois couronnes d’or, il ne découvre que l’ambition, la haine et la feintise[1]. »

Les Regrets sont nés de ce désenchantement, aussi, pour avoir la mesure de l’esprit du poète, pour connaître sa pensée intime sur les hommes et les choses de son temps, nous faudra-t-il revenir toujours à ces Mémoires satiriques écrits jour à jour par une plume vigoureuse et maîtresse d’elle-même.

Quant aux Jeux rustiques[2], qui, de l’avis de Sainte-Beuve, constituent après les Regrets l’œuvre la plus sérieuse de du Bellay, il semble que le poète ait pris à tâche de s’y essayer dans tous les genres et sur tous les rythmes. L’ode, la villanelle, la chanson, l’élégie, l’épithalame, l’épitaphe et l’idylle y ont été abordées par lui avec un rare bonheur. Rien de plus gracieux, de plus vif que son Épitaphe d’un chat ; rien de plus spirituel que son Hymne de la surdité ; et sa chanson du Vanneur de blé ? Y a-t-il dans la poésie française quelque chose de plus alerte et de plus dansant ?

À vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,

  1. Les Regrets, sonnet LXXVIII
  2. La première édition des Jeux rustiques est de 1558.