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Il y a des hommes qui doivent leur salut à leur famille ; le poète angevin ne dut jamais à la sienne que des chagrins et des larmes.

Écoutez ce touchant sonnet qu’il adressait à Jacques Grévin[1] quelque temps avant de mourir :

Comme celuy qui a de la course poudreuse
Ou de la luyte[2] huylée, ou du disque eslancé,
Ou du ceste plombé de cuir entrelacé,
Rapporté mainte palme en sa jeunesse heureuse,

Regarde, en regrettant sa force vigoureuse,
Les jeunes s’exercer, et jà vieil et cassé,
Par un doux souvenir qu’il ha du temps passé,
Resveille dans son cœur sa vertu généreuse :

Ainsi voyant, Grévin, prochain de ma vieillesse
Au pied de ton Olimpe exercer ta jeunesse,
Je souspire le temps que d’un pareil esmoy

Je chantay mon Olive, et resens en mon âme
Je ne sçay quelle ardeur de ma première flâme
Qui me fait souhaiter d’estre tel comme toy.

Ne dirait-on pas la plainte d’un homme chargé d’années et qui n’a plus rien à attendre de la vie ? C’est qu’en effet la souffrance et les inquiétudes de toutes sortes l’avaient brisé avant l’âge.

Jam mea cycneis sparguntur tempora plumis. Dit-il quelque part. C’étaient déjà les premières fleurs du cimetière. Il mourut le soir du 1er janvier 1560, frappé d’apoplexie, en rentrant chez lui après souper.

  1. Jacques Grévin né à Clermont (Picardie) en 1538 mort en 1570 à Turin où il avait accompagné en qualité de médecin, Marguerite de France, celle que J. du Bellay aimait tant.
  2. Lutte.