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nuel-Philibert qu’elle venait d’épouser. Ce départ de Madame l’affliigea plus que toutes ses tribulations et lui inspira sa fameuse lettre au sieur Jean de Morel, Ambrunois, qui est un chef-d’œuvre de délicatesse et de sentiment[1].

Joachim du Bellay y déplore « sa fascheuse et importune surdité qui l’a contraint de garder la chambre pendant un mois et ne lui a pas laissé « le moyen de pouvoir faire la reverence à Madame et luy baiser les mains » avant son départ ; la seule consolation qui lui restera désormais, écrit-il au milieu des larmes « les plus vrayes larmes qu’il pleura jamais, » c’est la gloire d’avoir esté agréable à la plus sage, vertueuse et humaine princesse qui ait esté de son temps. »

Madame de Savoie partie, il n’avait plus qu’à mourir. Tout le monde l’abandonnait à cause de sa triste surdité. Eustache du Bellay, lui-même, qui par sa position d’archevêque de Paris pouvait lui être de si grand secours ne trouvait rien de mieux que d’achever de le perdre dans l’esprit du cardinal :

« Faut, monseigneur, que je vous die que devant mon partement de Paris il estoit du tout sourd…… et quasi sans aucune espérance de guarison, scripto est agendum et loquendum cum eo. Et au temps qui court il est besoin avoir gens clairvoiants et oyants mesmement pour le fait de la Religion[2].

Voilà comment se conduisaient envers lui les parents de Joachim du Bellay.

  1. Cette lettre, qui a été publiée dans l’édition de 1559, à la suite du Tombeau du roi Henri II, porte la date du 5 octobre 1559.
  2. Quelques mois de la vie de Joachim du Bellay, par M. Révillout.